Une émission placée sous le signe du groove avec des morceaux sélectionnés par Michka Assayas venus du monde entier. Avec Nilüfer Yanya, King Gizzard and the Lizard Wizard, Liana Flores
Michka Assayas débute le programme plein de groove de cette émission par une des jeunes musiciennes les plus prometteuses de sa génération. Plus qu’une promesse, d’ailleurs. "Pour moi, c’est déjà une des plus grandes."
Nilüfer Yanya - Like I Say (i runaway)
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Quelque chose qui rappelle le son du musicien californien Beck à ses débuts, au milieu des années 90, dans ce titre signé par la jeune Londonienne Nilüfer Yanya. Une sorte de blues jazzy chaloupé, un peu oriental, à la vibration proche du hip-hop aussi. La chanson s’appelle Like I Say, I runaway, elle circule depuis un peu plus de deux mois déjà et annonce la publication du nouvel album de cette musicienne, à paraître en septembre 2024, My Method Actor.
Nilüfer Yanya, je m’aperçois en consultant mes archives, que je vous ai fait entendre sa voix pour la première fois en 2017. Et, depuis, en sept ans, donc, pas moins d’une dizaine de fois. En 2017, elle n’avait même pas vingt-deux ans. Nilüfer Yanya n’avait pas encore publié son premier album, Miss Universe, paru en 2019. Déjà, pourtant, il y avait quelque chose qui m’avait séduit tout de suite chez elle. Une musicalité, une souplesse particulière dans sa voix, l’imprégnation naturelle de styles différents dans ses chansons, et déjà la recherche d’un chemin personnel, sans que ça sonne artificiel ou tarabiscoté.
Nilüfer Yanya a fait beaucoup de chemin en quatre ans. En compagnie de son collaborateur Wilma Archer, un garçon originaire de l’Angleterre formé à ce qu’on appelle le design sonore, un réalisateur artistique qui a travaillé auprès d’excellents chanteurs et chanteuses, la Belge Selah Sue, notamment, Nilüfer Yanya a sculpté avec une précision croissante un style vraiment personnel. Et il est tout à fait probable, c’est en tout cas ce que je lui souhaite, que grâce à ce nouvel album, My Method Actor, elle s’impose au premier plan.
Nilüfer Yanya sera en concert les28 et 29 novembre à la Bellevilloise à Paris.
À écouter aussi : À la rencontre de Nilüfer Yanya, chanteuse guitariste londonienne, pour son troisième album
Dans la playlist de France Inter
4 min
King Gizzard & the Lizard Wizard - Le Risque, extrait de l'album Flight B741
L’Australien Jay Watson, alias Gum, m’a naturellement guidé vers d’autres Australiens, qui, comme on dit, font l’objet d’un véritable culte auprès d’une communauté d’amateurs, j’ai nommé King Gizzard and the Lizard Wizard. Un groupe vraiment unique en son genre qu’on vient d’entendre dans un tout nouveau titre, une sorte de blues-boogie au parfum glam-rock rappelant le début des années 70, «le Risque», en français dans le texte, extrait d’un album qui s’appelle «Flight 741 » vol 741. On ne les compte plus, ils en publient en moyenne trois par an depuis l’année 2012, sans compter les live. Unique en son genre, oui, parce que précisément King Gizzard and the Lizard Wizard, le roi Gésier et le Bizarre Lézard, j’essaie de rendre l’assonance, même si la traduction n’est pas parfaitement rigoureuse, s’est attaqué à tout un éventail de genres, justement, qui peut faire tourner la tête: jazz, hard rock, metal, électro-pop, musique psychédélique, musique dite progressive, musique du Moyen-Orient, j’en oublie sûrement.
King Gizzard and the Lizard Wizard est un des très rares groupes dont je peux écouter toute la production, quelle qu’elle soit, sans jamais me lasser. Je ne sais pas comment font ces musiciens, il y a une sorte de fluide mystérieux qui circule entre eux qui fait que, quoi qu’ils fassent, leur suscite, au mieux, l’émerveillement, au pire, la curiosité, ce qui est déjà immense. King Gizzard and the Lizard Wizard, jouera en Europe au printemps prochain, 2025, il y aura des dates à Barcelone, j’espère que d’autres en France seront annoncées.
Jon McKiel - Hex, de l'album Hex
"Put the hex on me", Hex, comme un sort, un mauvais sort, en l’occurrence, une chanson écrite et interprétée par le Canadien Jon McKiel. Un musicien canadien du nouveau Brunswick dont la réputation a commencé à prendre de l’ampleur il y a quatre ans, en 2020.
Le Nouveau Brunswick, c’est ce petit État côtier situé à l’est du Québec. Voici ce que Jon McKiel a déclaré à propos de cette chanson au site Stereogum, qui l’a interviewé: "Hex» est une chanson qui est née en samplant, échantillonnant si le franglais vous agace, ce que je comprends, ma voix et ma guitare. Les paroles font écho à une interrogation sur ce qui se trame dans l’obscurité du monde, que ce soit sur un plan personnel ou collectif. Parfois, quand on observe des systèmes ou des personnes en train de s’effondrer, on dirait qu’il y a comme un sort jeté sur eux."
Hex est aussi le nom de l’album que signe Jon McKiel, son second, mais le premier à bénéficier d’une vaste exposition.
Peel Dream Magazine - Lie in the Gutter, single
Un son qui rappelle un certain courant de la musique dite indépendante, soit ignorée du grand public, du début des années 90. Je pense notamment au groupe Stereolab, co fondé à Londres par la Française Lætitia Sadier, ou encore à Broadcast, avec la très regrettée Trish Keenan. Mais c’est d’aujourd’hui, de cette année, en tout cas. Ce titre, Lie in the Gutter, étendu dans le caniveau, est signé par un musicien originaire de Los Angeles mais basé à New York, Joe Stevens, qui signe sous le nom de Peel Dream Magazine. Une allusion au légendaire John Peel, qui fut le champion, au Royaume Uni, sur Radio 1, une radio de la BBC, de la musique underground puis du rock dit indépendant. Comme il le souligne, Joe Stevens, enfin Peel Dream Magazine, s’inspire de la vision du rock underground de la fin des années 60, de celle du Velvet Underground en particulier, que des musiciens d’une autre génération ont pu se forger dans les années 90. Et en 2024, c’est de cette réinvention déjà ancienne que Stevens s’inspire, un tiroir ouvrant sur un autre tiroir, ça peut continuer à l’infini.
Hiatus Kaiyote - Everything’s Beautiful, extrait de l'album Love Heart Cheat Code
Retour en Australie, à présent, avec un groupe australien, de Melbourne, exactement. Un quatuor à l’assemblage surprenant, du nom de Haï -Éï Teuss Kaiyote: les trois garçons ont l’air d’assistants de mathématiques amateurs de jazz, ce qu’ils sont, des amateurs de jazz, je veux dire, et ça s’entend. La chanteuse a des cheveux roses, le corps entièrement tatoué, et semblerait plus à sa place, en apparence, au sein d’un groupe punk hardcore. La surprise, c’est qu’elle la voix d’une remarquable chanteuse de jazz r&b. Ce qui a d’ailleurs valu à ce groupe d’être remarqué par une lointaine communauté de musiciens américains de premier plan: le batteur Questlove du remarquable groupe de Philadelphie, The Roots a remarqué un de ses titres, ce qui a entraîné une diffusion des albums de Hiatus Kaiyote aux États-Unis. Ce nouveau titre signé Hiatus Kaiyote s’appelle Everything’s Beautiful et est extrait du nouvel album du groupe, Love Heart Cheat Code.
À écouter aussi :
Le mur du son
4 min
Liana Flores - Butterflies (feat. Tim Bernardes), extrait de l'album Flower of the Soul
Une nouvelle voix, en tout cas dans cette émission, celle de Liana Flores, une chanteuse qui, clairement, porte dans sa voix et sa musique l’héritage de la musique brésilienne, la bossa nova, bien sûr. Cela dit ce n’est pas son seul héritage. Liana est de père anglais, elle a grandi dans le Norfolk, c’est le centre-est, côtier, de l’Angleterre. Et elle ne parle pas couramment la langue de sa mère, le portugais brésilien. Liana Flores a suivi une solide formation classique au piano, un instrument qu’elle n’a finalement pas adopté, préférant la guitare, apparemment sous l’influence d’un petit copain qui lui a fait écouter Bob Dylan. Liana a suivi des études de biologie à la faculté, dont elle est sortie brillamment diplômée. Tout en faisant des chansons dans son coin.
L’une d’elles, Rises the moon, une petite valse sans âge, très simplement orchestrée, et pourtant harmoniquement pas si évidente, a connu un immense succès sur l’applocation TikTok en 2019. Liana a gardé la tête froide, elle a poursuivi ses études et pris son temps. Elle a récemment signé un contrat avec Verve, une importante compagnie discographique américaine, et a enregistré son premier album sous la direction de Noah Georgeson, superviseur historique des albums de l’Américano-Vénézuélien Devendra Banhart.
L’album s’appelle Flower of the Soul et il est marqué par une certaine sophistication dans les orchestrations, les harmonies, au croisem*nt de la bossa, du jazz et d’une certaine sensibilité folk hippie, délibérément tendre et naïve, à laquelle Liana Flores est très sensible. Il est très probable que, dans les mois qui viennent, vous entendrez souvent et beaucoup Liana Flores, qui pourrait avoir le même impact un peu hors du temps qu’a eu une Norah Jones il y a une vingtaine d’années.
Playlist de cette émission autour du groove du monde entier:
- Nilüfer Yanya - Like I Say (I runaway)
- GUM et Ambrose Kenny-Smith - Minor Setback, extrait de l'album Ill Times
- King Gizzard & the Lizard Wizard - Le Risque, extrait de l'album Flight B741
- Magdalena Bay - Death & Romance, single
- Jon McKiel - Hex, extrait de l'album Hex
- Rachel Chinouriri - All I Ever Asked, extrait de l'album What a Devastating Turn of Events
- Hiatus Kaiyote - Everything’s Beautiful, extrait de l'album Love Heart Cheat Code
- Liana Flores - Butterflies (feat. Tim Bernardes), extrait de l'album Flower of the Soul
- Milton Nascimento + Esperanza - Outubro, extrait de l'album Milton + esperanza